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Cass. 3e civ., 11 septembre 2025, n° 24-10.139

L’évolution récente de la jurisprudence marque un tournant dans la mise en œuvre de la garantie décennale : le maître d’ouvrage voit désormais sa charge de preuve allégée, renforçant sa protection face au constructeur.

Une responsabilité de plein droit… sous réserve d’une imputabilité prouvée

L’article 1792 du Code civil instaure une responsabilité de plein droit du constructeur pour les désordres compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.

Le constructeur ne peut s’exonérer qu’en démontrant une cause étrangère :

  • force majeure,
  • faute du maître d’ouvrage,
  • fait d’un tiers.

Mais dans la pratique, le véritable obstacle réside dans la nécessité pour le maître d’ouvrage de prouver l’imputabilité du dommage à l’intervention du constructeur. La jurisprudence a progressivement précisé cette preuve, jusqu’à l’évolution récente de 2025.

D’un lien « suffisamment établi » à une simple impossibilité d’exclure l’imputabilité

La position classique (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n° 15-14.700) exigeait du maître d’ouvrage de démontrer un lien suffisamment établi entre le dommage et le vice imputé au constructeur.
Faute de preuve technique certaine, les demandes fondées sur la garantie décennale étaient souvent rejetées.

Dans un arrêt du 8 février 2018 (n° 16-25.794, CA Riom), la Cour de cassation a jugé qu’en présence d’un sinistre d’origine indéterminée, l’absence de certitude ne suffisait pas à écarter la responsabilité décennale.
Ainsi, l’imputabilité pouvait se déduire de la seule intervention du constructeur sur la zone affectée, dès lors qu’aucune cause étrangère n’était démontrée.

La décision du 11 septembre 2025 franchit une étape supplémentaire :

  • le maître d’ouvrage n’a plus à démontrer positivement le lien causal,
  • il suffit d’établir que les désordres se situent dans la zone d’intervention du constructeur, et qu’aucune autre cause évidente n’est caractérisée.

Cette évolution allège considérablement la charge de la preuve, instaurant une présomption d’imputabilité qui rapproche la garantie décennale d’une véritable responsabilité objective.

Une évolution favorable aux maîtres d’ouvrage

Concrètement, cette orientation juridique :

  • Simplifie la mise en œuvre de la garantie décennale, même lorsque les causes techniques du sinistre sont complexes ou indéterminées ;
  • Réduit les refus d’indemnisation fréquents dans les cas d’incendie, d’infiltrations ou de fissures multiples ;
  • Rétablit l’équilibre probatoire entre particuliers et constructeurs, conformément à l’esprit de l’article 1792 du Code civil.

Cette décision marque donc un renforcement de la protection du maître d’ouvrage, facilitant la réparation des préjudices liés aux désordres de construction.