Le Tribunal de commerce de Toulon a récemment annulé un marché de travaux techniquement irréalisable, rappelant l’importance du devoir d’information et de conseil pesant sur tout professionnel du bâtiment.
Un couple avait confié à une entreprise la pose d’un garde-corps en verre autour de leur piscine à débordement. Malgré plusieurs interventions, l’ouvrage s’est révélé instable et dangereux, le mur support étant constitué de parpaings creux, inadaptés à ce type de fixation.
Après plusieurs tentatives infructueuses, l’entreprise a reconnu, plus de deux ans après la signature du devis, que des travaux de maçonnerie supplémentaires étaient nécessaires, pour un coût estimé à 6 000 euros, jamais mentionné dans le devis initial.
Les clients ont donc demandé l’annulation du contrat pour manquement au devoir d’information et de conseil, la restitution de l’acompte, la reprise du matériel laissé sur place et l’indemnisation des préjudices, demandes accueillies par le tribunal.
Le fondement juridique : un manquement à l’obligation précontractuelle d’information
Le tribunal a rappelé que l’entreprise avait manqué à son obligation précontractuelle d’information, prévue à l’article 1112-1 du Code civil :
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière l’ignore ou fait confiance à son cocontractant. »
Le prestataire doit alerter le client sur :
- la faisabilité technique du projet,
- les risques liés au support,
- le coût réel des adaptations nécessaires.
En l’espèce, l’entreprise savait que le support ne permettait pas une fixation sûre, mais n’a pas averti les clients avant la signature du devis. Ce manquement constitue un vice du consentement, entraînant la nullité du contrat (articles 1130 et suivants du Code civil).
La jurisprudence est claire :
- « Il appartient à une entreprise de refuser d’entreprendre des travaux si elle estime l’ouvrage inconcevable » (Cass. 3e civ., 13 févr. 2020, n° 19-10.294).
- Le professionnel doit conseiller le maître d’ouvrage sur les modalités, enjeux, risques et conséquences de la prestation (Cass. 3e civ., 15 avr. 2021, n° 19-25.748).
L’article 1602 du Code civil précise que :
« Le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige ; toute clause obscure ou ambiguë s’interprète contre lui. »
Enfin, les articles 1217, 1227 et 1229 du Code civil permettent, en cas d’impossibilité d’exécution, à la partie lésée de provoquer la résolution du contrat, avec restitution intégrale des sommes versées.
Les conséquences : annulation du contrat et remboursement intégral
Le Tribunal de commerce de Toulon a :
- prononcé l’annulation du contrat pour manquement à l’obligation précontractuelle ;
- condamné la société à rembourser les acomptes versés ;
- ordonné la reprise du matériel et la remise en état du mur, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;
- accordé 2 000 € au titre du préjudice subi et 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Cette décision rappelle un principe fondamental : le professionnel est responsable de la faisabilité de la prestation qu’il propose. Avant tout engagement, il doit vérifier techniquement la compatibilité du projet avec le support existant et informer clairement le client des contraintes.
Un devis établi sans étude préalable engage la responsabilité du prestataire et peut conduire à l’annulation du contrat, le remboursement total et la réparation des préjudices causés.
À retenir
- L’obligation de conseil et d’information est un principe d’ordre public, incontournable.
- Le professionnel doit refuser tout chantier techniquement irréalisable.
- Un contrat impossible à exécuter est nul, avec restitution intégrale des sommes versées.
- Le client peut obtenir annulation du contrat, remise en état sous astreinte et indemnisation du préjudice.