Le cahier des charges de lotissement n’a rien d’un simple document administratif. Il constitue un véritable contrat entre les colotis, fixant les droits et obligations réciproques des propriétaires d’un même lotissement.
Une récente décision du Tribunal judiciaire est venue rappeler que ce document conserve toute sa valeur contractuelle, même après l’entrée en vigueur de la loi ALUR, et reste pleinement opposable entre voisins.
Un litige autour d’une clôture non conforme
Dans cette affaire, un propriétaire d’un lotissement des années 1950 subissait la gêne causée par son voisin, qui avait installé une clôture opaque en violation du cahier des charges.
Ce document imposait pourtant des clôtures ajourées afin d’assurer la sécurité des usagers et la visibilité dans une impasse étroite.
Le propriétaire lésé a donc saisi le Tribunal judiciaire pour obtenir la remise en conformité des ouvrages.
Le voisin, pour sa défense, soutenait que le cahier des charges n’était plus applicable depuis la loi ALUR et qu’il ne pouvait lui être opposé, faute d’être annexé à son acte de vente.
Le Tribunal a rejeté ces arguments et rappelé un principe clair :
Le cahier des charges conserve sa valeur contractuelle et reste opposable entre les colotis, quelles que soient les évolutions législatives.
Le cahier des charges reste valable malgré la loi ALUR
L’article L.442-9 du Code de l’urbanisme prévoit que certaines règles d’un cahier des charges peuvent devenir caduques dix ans après la création du lotissement, si un plan local d’urbanisme (PLU) intervient.
Mais cette disposition concerne uniquement les règles d’urbanisme.
Les règles contractuelles entre colotis, elles, demeurent pleinement applicables.
En d’autres termes :
- Le PLU régit les rapports entre le propriétaire et la mairie.
- Le cahier des charges régit les rapports entre les propriétaires du lotissement.
Cette distinction, souvent méconnue, est essentielle.
La loi ALUR n’a jamais supprimé la force obligatoire des engagements contractuels entre colotis.
Le Tribunal s’est appuyé sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation :
« Les clauses du cahier des charges d’un lotissement, quelle que soit sa date, approuvé ou non, engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues. »
(Cass. 3e civ., 13 oct. 2016, n°15-23.674 ; 29 sept. 2016, n°15-22.414 ; 21 janv. 2016, n°15-10.566)
Ainsi, un cahier des charges approuvé et publié conserve toute sa valeur juridique dans les rapports privés, même plusieurs décennies après sa création.
Un document opposable même s’il n’est pas annexé à l’acte de vente
Autre point tranché par le Tribunal :
le cahier des charges reste opposable même s’il n’est pas annexé à l’acte de vente.
Plusieurs éléments ont été retenus :
- Le document avait été approuvé par le préfet et publié, ce qui le rend opposable à tous les colotis.
- L’acte de vente du défendeur faisait référence à l’arrêté préfectoral de 1954, donc indirectement au cahier des charges.
- Le cahier des charges prévoyait lui-même que ses clauses font « loi entre tous les acquéreurs », même par simple référence.
La jurisprudence confirme d’ailleurs que l’approbation préfectorale suffit à rendre le document opposable, même sans annexion à l’acte de vente.
Le voisin a donc été condamné à remettre sa clôture en conformité, sous astreinte de 50 € par jour de retard, à supporter les dépens et à verser 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
À retenir
- Un cahier des charges approuvé par le préfet reste valable et opposable à tous les propriétaires du lotissement, même ancien.
- La loi ALUR n’a pas supprimé cette opposabilité entre colotis.
- L’absence d’annexion à l’acte de vente n’y change rien, dès lors que le document a été publié.
- Le non-respect des règles peut entraîner des astreintes, démolitions ou condamnations financières.
En résumé :
Le cahier des charges de lotissement est un véritable contrat de voisinage.
Avant tout projet de travaux ou de modification, il est indispensable d’en vérifier les règles.
Sa méconnaissance peut avoir des conséquences juridiques et financières importantes.