La sécurité oui, mais pas à n’importe quel prix
Vous envisagez d’installer des caméras de vidéosurveillance dans votre immeuble ? C’est une question récurrente en copropriété. Si la sécurité collective est un objectif légitime, la loi impose des conditions strictes pour garantir les droits de chacun.
Avant de passer à l’action, il est indispensable de connaître le cadre juridique et les précautions à prendre.
Une décision collective impérative
La première règle est simple : aucune caméra ne peut être installée sans un vote en assemblée générale.
La loi du 10 juillet 1965, qui encadre la copropriété, impose que toute décision relative à l’équipement des parties communes soit adoptée collectivement. La majorité requise est celle de l’article 24, c’est-à-dire la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.
En clair : même si vous détenez la majorité des tantièmes, vous ne pouvez pas décider seul.
Pourquoi c’est un acte d’administration des parties communes ?
La pose de caméras dans les parties communes est considérée comme un équipement collectif affectant l’usage commun.
Elle ne modifie pas la destination des parties communes ni leur consistance, elle ne constitue donc pas un acte de disposition (qui requerrait l’unanimité) ni un acte d’amélioration lourde (qui requerrait l’article 25).
En pratique, la doctrine et la jurisprudence l’assimilent à des travaux d’équipement ou de sécurité décidés par l’assemblée générale à la majorité simple.
Référence légale principale :
Article 24 de la loi du 10 juillet 1965 (version en vigueur) :
« Sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance les décisions concernant l’administration courante de l’immeuble, et notamment :
g) La décision d’installer des équipements communs nouveaux ;
h) La décision relative aux modalités générales d’application du règlement de copropriété concernant l’usage des parties communes. »
La pose d’un système de vidéosurveillance est donc assimilée à un équipement collectif nouveau qui relève de l’administration courante, dès lors qu’il est destiné à la sécurité générale et ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble.
Le respect impératif de la vie privée
Installer une caméra dans un hall ou un couloir ne signifie pas pour autant que tout est permis. La surveillance permanente des résidents et des visiteurs porte atteinte au droit fondamental au respect de la vie privée, garanti par l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La jurisprudence est claire : l’installation de caméras doit être strictement justifiée et proportionnée. Dans une décision importante, la Cour d’appel de Paris a rappelé que :
« Les travaux d’installation du système de vidéo-surveillance mis en place par les époux H., en dehors de tout consentement donné par la copropriété, compromettent les droits détenus par chacun des copropriétaires dans le libre exercice de leurs droits sur les parties communes, tels que reconnus par les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et constituent un trouble manifestement illicite qu’il y a lieu de faire cesser. »
(CA Paris, Pôle 1, chambre 3, 20 janvier 2021, n°19/15420)
Cette décision souligne qu’un système de vidéosurveillance ne peut jamais être imposé unilatéralement, même sous couvert de sécurité.
Les obligations pratiques pour une installation conforme
Pour être légal, votre projet doit réunir plusieurs conditions :
Une décision collective régulière
Le vote doit intervenir en assemblée générale, à la majorité de l’article 24.
Une information précise des copropriétaires
Nombre de caméras, emplacement exact, finalité du dispositif, durée de conservation des images.
Le respect du RGPD
Les images enregistrées sont des données personnelles. Vous devez encadrer leur consultation, sécuriser l’accès au système et limiter leur conservation à un mois (sauf procédure judiciaire).
Attention au délai de contestation !
Si une résolution autorisant l’installation des caméras est votée, vous disposez d’un délai strict de deux mois à compter de la notification du procès-verbal pour saisir le tribunal judiciaire et demander l’annulation. Passé ce délai, votre recours devient irrecevable, même si la décision est irrégulière.
Quels sont les risques en cas de non-conformité ?
Installer des caméras sans respecter ces règles peut avoir de lourdes conséquences :
- L’annulation judiciaire de la décision
- L’obligation de retirer les caméras
- La condamnation à des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée
- La responsabilité civile du copropriétaire ou du syndic
- Des sanctions en cas de violation du RGPD
La Cour de cassation rappelle qu’un dispositif décidé sans justification sérieuse constitue un abus de droit (Cass. 3e civ., 9 septembre 2016, n°15-17.529).
En résumé
La vidéosurveillance en copropriété est possible, mais seulement si elle est :
- Décidée collectivement par un vote régulier
- Proportionnée et motivée par des besoins sérieux
- Respectueuse de la vie privée des résidents
Vous envisagez un projet de sécurisation ou vous souhaitez contester une installation irrégulière ?
Notre cabinet vous accompagne à chaque étape pour protéger vos droits et garantir la légalité de vos démarches.